LES JEUNES ADULTES QUÉBÉCOIS ET LE CRÉDIT

Dans une société où les consommateurs sont plus endettés que jamais, quelle est la situation des jeunes ? C’est ce qu’ont voulu savoir Marie J. Lachance, Pierre Beaudouin et Jean Robitaille, professeurs en sciences de la consommation au département d’économie agroalimentaire des sciences de la consommation à l’Université Laval. À cette fin, les chercheurs ont mené une étude visant à évaluer principalement l’endettement des jeunes adultes québécois, leurs connaissances et leurs attitudes face au crédit. Cette étude a été financée par la Fondation Claude-Masse. Voici quelques faits saillants tirés des résultats de cette étude.

L’échantillon

  • Quelque 980 jeunes francophones de 18 à 29 ans (âge moyen de 24,1 ans) ont répondu à un sondage téléphonique réalisé en juin 2004. Ces jeunes présentaient un nombre moyen d’années de scolarité de 14,2 ans et plus de la moitié d’entre eux (55,7 %) étaient des femmes. Près de 90 % n’avaient aucun enfant à charge.
  • En 2003, la grande majorité des personnes interrogées soit avait, comme seule occupation, le travail à temps complet 36,6 %) ou les études à temps complet (16,2 %), soit cumulait les deux occupations selon des proportions variables (36,5 %).
  • Enfin, un peu plus de 95 % des personnes interrogées ont déclaré un revenu pour 2003 ; en moyenne ce revenu s’élevait à 20 980 $ et celui du ménage à 29 643 $.

Les dettes

  • Plus de trois personnes interrogées sur quatre (76 %) ont une dette s’élevant en moyenne à 17 705 $ (incluant les prêts hypothécaire et étudiant). Les personnes endettées interrogées cumulent en moyenne 2,2 dettes différentes. Leur dette à la consommation s’élève en moyenne à 5 814 $.
  • Le ratio d’endettement à la consommation (endettement à la consommation / revenu personnel) pour les sujets ayant un revenu de plus de 5000 $ varie entre 0,21 et 0,46. Ce ratio décroît à mesure que le revenu s’élève. La dette à la consommation la plus importante est la dette sur marge de crédit avec 25% des jeunes endettés déclarant un montant moyen de 4220 $.
  • Par ailleurs, près de 75 % des personnes interrogées détiennent au moins une carte de crédit avec une moyenne de 1,9 carte par détenteur et 37 % disposent d’une marge de crédit.

Les connaissances de base en matière de crédit

  • L’ensemble du groupe a obtenu une note moyenne de 49,6 % en répondant à neuf questions portant sur des connaissances de base en matière de crédit. Par exemple, plus de 42 % ignorent que, lorsqu’on utilise une carte de crédit pour obtenir une avance de fonds, des intérêts sont automatiquement chargés à partir du jour du retrait. Enfin, environ 46 % ignorent que des frais d’intérêt sont facturés lorsqu’on paye le montant minimum dû sur le relevé mensuel d’une carte de crédit avant la date d’échéance. De plus, près de 30 % des personnes interrogées ayant une marge de crédit ou au moins une carte de crédit ignorent le taux d’intérêt annuel demandé.

L’attitude face au crédit et à l’endettement

  • Les avis sont partagés. Près d’une personne interrogée sur deux (48,9 %) croit qu’il est normal d’avoir des dettes et, dans une moindre proportion (41,8 %), qu’il ne faut pas avoir peur d’utiliser le crédit. Un peu moins de 4 personnes sur 10 estiment d’ailleurs qu’il y a plus d’avantages que d’inconvénients à utiliser le crédit. En revanche, 36,8 % trouvent que le crédit est synonyme de problèmes et 43 % ne pensent pas que l’utilisation du crédit soit une nécessité. Un aspect fait davantage l’unanimité : 84 % ne croit pas que, grâce au crédit, il ne sert à rien d’économiser pour acheter des biens ou des services.

Les pratiques et perceptions

  • Près de trois personnes interrogées sur dix estiment que la possession d’une carte de crédit les incite à dépenser davantage. D’ailleurs, respectivement 22,4 % et 14,4 % déclarent utiliser le plus souvent possible leur(s) carte(s) de crédit bancaire(s), ou encore leur(s) carte(s) de magasin(s) ou de pétrolière(s). Près de 69 % affirment payer toujours le solde entier de leur(s) carte(s) de crédit avant l’échéance. Par ailleurs, une personne interrogée sur deux se perçoit comme très compétente en matière de finances personnelles, alors que une sur cinq estime le contraire. Enfin, 41,1 % d’entre elles sont d’avis que les personnes de leur âge sont peu compétentes en matière de finances personnelles.

Apprentissages

  • La source d’apprentissage principale en matière de finances personnelles la plus fréquemment rapportée est la famille (37,8 % des personnes interrogées), suivie par l’expérience personnelle (25,4 %) et les cours suivis à l’école ou ailleurs (13,1 %).

LE CRÉDIT : EN CONNAÎTRE TOUS LES DANGERS POUR BIEN SE PROTÉGER

Vivre sans jamais emprunter n’est pas toujours possible. Il est donc important de savoir comment utiliser judicieusement le crédit, histoire de toujours garder le contrôle sur ses finances personnelles. Et de ne jamais avoir à mettre de côté des projets auxquels on tient, seulement pour rembourser des dettes. Voici quelques informations qui vous permettront d’avoir accès au crédit sans vous faire avoir.

Quand emprunter ?

Le crédit peut être utile dans certaines situations : l’achat d’une maison, d’une voiture, ou d’un bien dont on a vraiment besoin (un réfrigérateur, par exemple). En revanche, il faut éviter d’utiliser le crédit pour régler ses dépenses courantes ou se procurer des articles de luxe. En agissant de la sorte, on risquerait de s’endetter outre mesure, et de ne pas pouvoir rembourser ses dettes dans un délai raisonnable.

Les questions à se poser

Vous avez l’intention de contracter un emprunt ? Demandez-vous si vous en avez les moyens. Selon certaines institutions financières, en omettant le prêt hypothécaire, on ne devrait pas utiliser plus de 32 % de son revenu brut pour rembourser ses dettes. Les associations de consommateurs trouvent cette proportion beaucoup trop élevée et conseillent de ne pas s’y fier. Avant de contracter un emprunt, regardez froidement votre capacité de le rembourser en tenant compte de votre situation familiale et de votre mode de vie. Ainsi, vous éviterez que le crédit ne finisse par avoir un impact considérable sur votre vie ou celle de votre famille.

Quel type de crédit choisir ?

Les personnes qui désirent obtenir un emprunt se trouvent devant une foule de produits de crédit plus alléchants les uns que les autres, chacun ayant ses avantages et ses inconvénients. Ainsi, la carte de crédit peut être utile et peu chère à condition qu’on en rembourse chaque mois le solde en entier. Vous ne pouvez pas le faire ? Oubliez ce mode de crédit, car les taux d’intérêt y sont généralement élevés, voire très élevés (jusqu’à 18,9 %, parfois même plus pour les cartes émises par les institutions financières, et de 24 % à 28,8 % pour les cartes émises par les grands magasins et les compagnies pétrolières). À noter : pour savoir combien vous coûtera une carte de crédit donnée, utilisez le Calculateur des coûts des cartes de crédit que vous trouverez sur le site Web d’Industrie Canada.

Parmi les autres modes de crédit, il y a les marges de crédit et les prêts personnels. Les premières peuvent être remboursées en tout temps, mais comme on y a accès via son compte de banque et qu’il n’y a pas de somme minimale à payer chaque mois, il est facile de croire que cet argent est le sien et de s’endetter plus qu’on ne le voudrait. Les seconds sont remboursés par le biais de versements égaux effectués durant une période prédéterminée. Ils existent sous différentes formes ; il est donc conseillé de bien magasiner avant de faire son choix.

Enfin, il existe sur le marché de nombreuses formules de vente permettant au client d’acheter maintenant et de payer plus tard. Certaines d’entre elles peuvent être avantageuses à condition d’y avoir recours pour se procurer des biens dont on a vraiment besoin et de rembourser la totalité de la somme empruntée dans le délai prescrit. Ces formules peuvent coûter cher en frais et en intérêt à ceux qui n’y parviendraient pas. Si, après avoir fait votre bilan, vous vous rendez compte que c’est votre cas, demandez-vous si vous pouvez attendre pour acheter ce bien, ou tournez-vous vers des articles usagés ; sans doute pourrez-vous ainsi payer moins cher.

Un mode de crédit vous semble particulièrement avantageux ? Négociez d’abord le prix du bien comme si vous aviez l’intention de le payer comptant. Si on accepte de baisser le prix, c’est sans doute qu’il était gonflé. Voilà une information dont il faut tenir compte.

Avant de signer quoi que ce soit, renseignez-vous et lisez le contrat qu’on vous propose. Enfin, pour choisir le type de crédit le plus avantageux pour vous, demandez-vous combien vous aura coûté le bien que vous achèterez à crédit lorsque vous l’aurez payé en entier. Et assurez-vous de pouvoir rembourser votre emprunt dans un délai raisonnable.

Prudence

On ne saurait trop le dire, quel que soit l’emprunt que l’on contracte, il faut agir avec prudence. Pour ce faire, empruntez seulement la somme dont vous avez vraiment besoin, et remboursez le plus rapidement possible. Ce n’est qu’à cette condition que vous bénéficierez du crédit, sans jamais vous en mordre les doigts. Peut-être ne le savez-vous pas, mais si, un jour, vous avez du mal à rembourser vos dettes, sans doute cela aura-t-il un impact sur votre qualité de vie. Le mieux est de ne jamais se rendre là.

CARTES DE CRÉDIT : DES TAUX D’INTÉRÊT QUI PEUVENT FAIRE MAL

Vous les trouvez pratiques, les cartes de crédit ? Elles ont en effet certains avantages. Mais gare à celui qui n’en paie pas le solde en entier dans le délai prescrit…

Il faut l’avouer, les cartes de crédit sont utiles. D’abord, elles permettent d’effectuer des achats partout, jusqu’à une certaine limite préétablie. Elles facilitent les achats sur Internet et la location de voiture. Des avantages y sont parfois associés. En cas de vol, la responsabilité du consommateur est limitée à 50 $. Et si on paie chaque mois le solde en entier, on n’a pas un sou d’intérêt à payer. Mais elles ont aussi un inconvénient, et il est de taille : à ceux qui ne paient pas leur solde en entier chaque mois, ou qui empruntent de l’argent en effectuant des avances de fonds sur leur carte de crédit, elles coûtent cher, très cher.

Au sujet du taux d’intérêt

D’abord, c’est le taux d’intérêt des cartes de crédit qui cause problème. Au moment d’écrire ces lignes, il allait jusqu’à 18,9 % (parfois même plus) pour les cartes émises par les institutions financières, et de 24 % à 28,8 % pour les cartes émises par les grands magasins et les compagnies pétrolières. C’est énorme. D’autant que le taux directeur de la Banque du Canada, lui, a rarement été aussi bas.

Des rabais illusoires

Vous croyez que les cartes à taux réduit peuvent être une bonne solution ? Cela est possible si vous avez un solde impayé que vous n’arriverez pas à rembourser avant plusieurs mois. Pour évaluer votre situation, tenez compte du solde que vous avez à payer, du temps que vous mettrez à le rembourser en entier, et des frais à payer pour l’obtention d’une telle carte. Vous voulez plutôt bénéficier d’une nouvelle carte dont le taux d’intérêt de lancement est peu élevé ? Vérifiez pendant combien de temps vous bénéficierez de ce taux réduit, et demandez-vous ce qui se produira lorsque le délai sera écoulé. Demandez-vous également si le fait d’avoir en main cette nouvelle carte ne vous amènera pas à dépenser davantage.

Des cadeaux empoisonnés

Juste avant les Fêtes, peut-être l’entreprise émettrice de votre carte de crédit vous a-t-elle offert de ne pas effectuer votre paiement minimum. Peut-être aussi vous a-t-elle proposé de hausser votre limite de crédit, histoire de vous permettre d’acheter tout ce qui vous tente… ou presque. Il s’agit évidemment de cadeaux empoisonnés. Ne l’oubliez pas : des frais d’intérêt seront demandés sur le paiement que vous n’aurez pas effectué. Et si vous dépensez plus que vous n’en avez les moyens, peut-être ne parviendrez-vous pas à rembourser tout votre solde en janvier. Finalement, ce n’est pas vous qui tirerez avantage de la situation, mais bien l’entreprise émettrice de votre carte de crédit, en empochant les intérêts.

Un manque criant d’information

Les consommateurs sont-ils au courant de tout cela ? Selon un sondage Léger Marketing / Presse canadienne réalisé en 2001 et intitulé « Les Canadiens et les cartes de crédit », ils sont au contraire fort mal informés, puisque quatre détenteurs de carte(s) de crédit sur dix ignorent même le taux d’intérêt qu’ils paient. Les résultats préliminaires d’une étude réalisée en 2004 par des chercheurs de l’Université Laval auprès de jeunes de 18 à 29 ans vont dans le même sens. Ainsi, 45,3 % des jeunes ignorent que, s’ils ne paient que le minimum indiqué sur le relevé de leur carte de crédit, des frais d’intérêt leur seront facturés. Et 42,6 % d’entre eux ignorent que, lorsqu’ils utilisent leur carte de crédit pour obtenir une avance de fonds, des intérêts leur sont demandés à compter du jour du retrait.

Pour conclure

Il faut bien se l’avouer, en fin de compte, il n’y a que les institutions financières et les entreprises qui tirent vraiment profit de l’utilisation des cartes de crédit par les consommateurs. Les chiffres ont d’ailleurs de quoi surprendre. Selon l’Association des banquiers canadiens, en 2003, il y avait un solde impayé sur 22,2 millions des 50,4 millions de cartes Visa et MasterCard en circulation. Et ces soldes impayés totalisaient la somme de 49,8 milliards de dollars. Voilà qui illustre bien pourquoi les associations de consommateurs invitent les gens à la prudence lors de l’utilisation de leur carte de crédit.