La Coalition des associations de consommateurs du Québec sonne l’alarme à l’égard de la réforme des droits des consommateurs clients de banques canadiennes proposée dans le projet de loi C-86, actuellement à l’étude à Ottawa. Le projet réduirait certains de leurs droits, sans aucune consultation démocratique digne de ce nom. On enlève des droits aux consommateurs, on rend les règles plus rigides à une époque où la technologie change tout, on affaiblit l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (l’«ACFC») et on procède à ces modifications sans vouloir entendre les consommateurs. D’autre part et comme l’a unanimement dénoncé l’Assemblée nationale le 30 novembre, cette réforme empiéterait sur les compétences constitutionnelles du Québec, tout en offrant une protection moins avantageuse en matière de crédit, notamment.
Une absence cavalière de consultation
Tous les discours sur le budget des ministres fédéraux depuis 2013 ont annoncé une réforme des mesures visant à protéger les consommateurs faisant affaire avec les banques canadiennes. En octobre 2016, le ministre Morneau a finalement déposé le projet de loi budgétaire C-29, qui ne proposait dans ce domaine guère plus qu’une consolidation des règles existantes, tout en prétendant écarter complètement l’application des lois provinciales visant à protéger les consommateurs. Les protestations des associations de consommateurs, de l’Assemblée nationale et de sénateurs l’ont convaincu de retirer ces mesures du projet de loi C-29.
Le 29 octobre 2018, le ministre Morneau déposait le projet de loi C-86[1], qui fait 854 pages et qui reprend plusieurs des mesures proposées dans le projet de loi C-29. Le comité permanent des Finances de la Chambre des communes en a expédié l’étude en trois semaines, sans entendre les associations de consommateurs, malgré notre demande. Il a été adopté par la Chambre des communes ce 3 décembre.
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a pour sa part déjà amorcé l’étude des mesures visant à protéger les consommateurs, en examinant à huis clos le 29 novembre une ébauche de rapport[2], après avoir entendu quelques fonctionnaires et d’autres intervenants – mais aucune association de consommateurs québécoise.
Le régime de protection des consommateurs utilisant les services des banques pourrait donc être réformé sans que les représentants des consommateurs québécois aient été entendus par les députés ou les sénateurs. Cette attitude cavalière des parlementaires nous paraît aussi inquiétante qu’inacceptable. Elle est d’autant plus problématique que le projet de loi C-86 n’améliore pas significativement la protection des consommateurs et, dans certains cas, la réduit.
Une mauvaise réforme
La réforme proposée réduit la protection accordée aux consommateurs en cas d’opération frauduleuse réalisée avec le numéro de leur carte de crédit. Elle affaiblit le mandat de l’ACFC, qui devra tenir compte des besoins des institutions financières quand elle «s’efforcer[a] de protéger les droits et les intérêts des consommateurs», et le gouvernement pourra lui interdire de divulguer l’identité d’une banque qui a contrevenu à la loi, même si elle fait l’objet d’une sanction.
La réforme ne change pratiquement rien aux règles actuelles en matière d’ouverture de compte, de gel de fonds ou d’utilisation de cartes prépayées, par exemple, même si ces règles auraient dans certains cas requis une mise à jour importante. Elle permet encore aux banques de choisir l’organisme externe de traitement des plaintes qui leur convient: nous estimons injustifiable qu’on permette ainsi aux banques de choisir unilatéralement le tribunal privé qui leur convient le mieux quand il s’agit de régler les problèmes des consommateurs.
On ne propose d’autre part aucune règle qui interdirait aux banque d’exclure leur responsabilité dans leurs contrats, de les résilier unilatéralement et sans avis, de réduire à quelques semaines la période de contestation d’une opération inexacte ou de renvoyer à des multitudes d’autres documents, toutes pratiques défavorables aux consommateurs et dont on constate régulièrement la présence dans les contrats bancaires.
On nous présente enfin comme des progrès l’interdiction de fournir des renseignements faux, ou l’obligation d’offrir aux consommateurs des produits qui conviennent à leurs besoins. Il s’agit pourtant là de règles élémentaires, et celles qu’on propose dans le projet de loi C-86 vont moins loin que ce qu’on constate dans d’autres États.
Ce projet de réforme doit faire l’objet d’un examen approfondi par les parlementaires. Dans l’état où il se trouve actuellement, il ne fera presque rien pour améliorer la protection des consommateurs, il la détériorera dans certains cas et il ajoutera de la confusion pour les consommateurs québécois.
Nous demandons par conséquent au comité sénatorial permanent des banques et du commerce d’entendre les représentants des consommateurs québécois à l’égard du projet de loi C-86 et nous demandons au ministre des Finances de faire preuve d’écoute et d’ouverture à l’égard des consommateurs, et non pas seulement des grandes banques canadiennes.
– 30 –
Demandes médias
Rébecca Bleau, coordonnatrice, CACQ
514-362-8623
Jacques St-Amant, analyste-conseil, CACQ
analyste@cacq.ca
[1] Projet de Loi no 2 d’exécution du budget de 2018.
[2] On verra le http://www.parl.ca/DocumentViewer/fr/42-1/projet-loi/C-86/deuxieme-lecture.